par Torsten Schwanke
Les prêtres, serviteurs du Fils que j’ai porté,
Par leurs mœurs corrompus sont cloaques infectés.
Leur faste, leur orgueil, leur soif de l’or immonde
Ont fait de leurs autels les opprobres du monde.
Leurs crimes, leurs forfaits, leurs sacrilèges vils
Appellent le courroux qui plane sur leurs villes.
Hélas ! malheur à ceux qui, d’un cœur déloyal,
Clouent encor sur la croix l’Agneau sacrificiel !
Leurs fautes jusqu’aux cieux s’élèvent en vengeance,
Et le bras du Très-Haut s’apprête à la sentence.
Nul juste ne s’élève à supplier encor,
Nul cœur assez ardent pour attendrir le fort.
Le monde, abandonné, va goûter la tempête :
Dieu frappera bientôt d’une main sans retraite.
Malheur, malheur aux fils de la terre en fureur !
Nul n’échappera plus au déchaîné malheur.
Les chefs ont négligé prière et pénitence,
Et l’esprit des démons a voilé leur science.
Étoiles égarées qu’entraîne le serpent,
Ils tombent dans la nuit du gouffre dévorant.
Alors sur les États, les familles, les trônes,
Le démon répandra des haines, des cyclones.
Durant plus de trente ans pleuvront fléaux sanglants,
Et l’homme, sans recours, boira des châtiments.
L’humanité s’avance au bord des grandes peines,
Sous le sceptre de fer, sous la coupe des haines.
Que Pierre sur son trône à Rome reste fort :
Je serai près de lui, soutien contre l’effort.
Qu’il ne croie à l’Aiglon au cœur double et perfide :
Son orgueil le perdra, son glaive sera vide.
L’Italie expiera son orgueilleux dessein :
Ses temples profanés ruisselleront de sang.
Les prêtres chassés nus, les moines mis en fuite,
Les évêques perdront la foi, l’âme en poursuite.
Le ciel s’ouvrira même aux prodiges nouveaux,
Car Lucifer lâché rôdera sur les eaux.
En l’an soixante-quatre, avec sa troupe immonde,
Il viendra dévorer la foi dans tout le monde.
Et les cœurs consacrés, par l’aveuglement pris,
Porteront dans leur sein l’esprit de ses esprits.
Alors, des monastères la foi sera bannie,
Et beaucoup périront dans la nuit infinie.
Mauvais livres sans fin couvriront l’univers,
Et l’ombre étendra froid sur le culte des vers.
Les esprits ténébreux domineront la terre,
Soumettant la nature à leur pouvoir sévère.
Des temples s’élèveront pour servir ces démons,
Qui transporteront prêtres, captifs de leurs dons ;
Loin du souffle d’en haut, qui humblement conduit,
Par l’amour, par l’ardeur, vers la gloire de l’Esprit.
On fera revenir les morts et les justes mêmes,
Mais spectres mensongers, imitant ceux qu’on aime ;
Sous ces traits vénérés, les démons déguisés
Prêcheront un Évangile aux cieux opposés.
Ils nieront le séjour des âmes condamnées,
Et du Christ véritable aboliront l’entrée ;
Ces fantômes trompeurs, unis à des corps vains,
Séduiront les mortels de leurs discours malsains.
Alors, par tout le monde, éclateront des signes,
Puisque la foi s’éteint, et que brillent des feignes.
Malheur aux grands pasteurs, aux princes orgueilleux,
Qui n’aiment que l’argent, l’autorité, les jeux !
Le Vicaire sacré de mon divin Fils saint
Subira mille maux, sous l’orage contraint.
Car l’Église en ces jours, vouée aux persécutions,
Passera dans la nuit d’affreuses afflictions.
Ce sera le temps noir, le règne des ténèbres,
Où le Temple éprouvera des douleurs si funèbres.
Le saint culte oublié, chacun voudra régner,
Et l’homme orgueilleux seul prétendra tout mener.
On brisera bientôt pouvoirs civils, ecclèses,
Et toute loi d’ordre et de justice sera blesse.
Ne régnera partout que le meurtre et l’effroi,
La haine et le soupçon, la discorde et l’émoi.
On n’aimera ni sol, ni famille, ni patrie,
Mais la fureur, le sang, l’injure et l’ignominie.
Le Saint-Père en souffrance offrira son trésor,
Jusqu’au terme fixé, j’accueillerai son sort.
Les méchants maintes fois guetteront son passage,
Cherchant à retrancher ses jours de leur carnage ;
Mais leurs coups resteront impuissants sur ses pas,
Et son successeur même un court règne aura.
Pourtant nul de ces deux ne verra le triomphe,
De l’Église de Dieu, que l’enfer veut corrompre.
Les pouvoirs des cités poursuivront un dessein :
Abolir la vertu, l’effacer du chemin ;
Pour le matérialisme, et l’athée insolent,
Pour l’esprit mensonger, pour tout vice brûlant.
En l’an soixante-cinq l’horreur sera profane,
On profanera Dieu jusque dans ses fontanes.
Dans les saints monastères, en fleurs jadis ornés,
Règnera la corruption, les lys abandonnés.
Le démon se fera roi des cœurs et des âmes,
Et ses ruses cacheront d’innombrables flammes.
Que les chefs des couvents discernent avec soin,
Car l’ennemi perfide y sème son témoin.
Il voudra disposer, sous l’habit du mystère,
Des hommes corrompus, attachés à la chair.
Et partout sur le monde, en troubles infinis,
Régneront les plaisirs, les désirs impunis.
France, Italie, l’Espagne et l’Angleterre en feu,
Verront couler le sang au milieu de leur lieu.
Le frère contre frère engagera bataille,
Et l’Italien lui-même au glaive se travaille.
Puis viendra le grand choc, le carnage effroyable,
Où l’univers entier sera mis à la table.
Dieu délaissera Rome, et Paris, et Milan,
Car l’Évangile saint s’oublie en tout élan.
Les méchants déchaînés feront luire leur rage,
Et le meurtre entrera jusques dans le ménage.
Alors au premier coup de l’éclair éclatant,
Les monts frémiront tous, la nature en tremblant.
Paris sera brûlé, Marseille sera prise,
Et des villes sans nombre englouties, surprises.
Par le feu, par les flots, par l’abîme et le bruit,
On croira tout perdu, tout noyé dans la nuit.
Nulle part que la mort, les clameurs et les armes,
Et l’insulte à Dieu saint mêlée avec des larmes.
Les justes, accablés, prieront en leur tourment,
Et leurs cris monteront jusqu’au Ciel éclatant.
Alors Jésus viendra, par justice et clémence,
Commander à ses anges d’abattre la démence.
Les bourreaux de l’Église et les fils du péché,
Soudainement frappés, tomberont desséchés.
La terre deviendra comme un désert immense,
Et la paix régnera dans un nouvel silence.
Dieu réconciliera les mortels prosternés,
Et son Nom dans les cœurs sera ressuscité.
On servira le Christ, on l’aimera, l’on prie,
Sa gloire remplira la terre rajeunie.
La charité partout refleurira soudain,
Comme un parfum divin dans le champ souverain.
Les rois renouvelés, soutiens de son Église,
Seront bras du Très-Haut, que sa grâce baptise.
Forte, humble et pauvre, ardente à s’immoler,
La sainte Épouse alors viendra se relever.
L’Évangile éclatera dans toutes les contrées,
Les ouvriers du Christ marcheront en armées ;
Et l’unité sacrée, par la crainte de Dieu,
Éclairera les temps d’un éclat radieux.
Ce calme entre les mortels ne durera qu’un temps,
Vingt-cinq moissons d’abondance endormiront les sens.
On oubliera bientôt que la faute des hommes
Fait naître les châtiments dont la terre se rompt.
Un sombre avant-coureur, des peuples à sa suite,
Contre l’unique Christ livrera son armée.
Il répandra le sang, détruira le culte saint,
Afin que l’univers le prenne pour divin.
Alors les fléaux noirs s’abattront sur le monde :
Peste, faim universelle et guerre furibonde.
Dix rois, liés d’un seul vœu, mèneront le dernier choc,
Eux seuls gouverneront les nations sous leur joug.
Avant que ce malheur n’éclate en son plein jour,
Un faux calme régnera sur la terre en séjour.
On ne songera plus qu’aux jeux, aux voluptés,
Les méchants s’enivrant d’infinies iniquités.
Mais les fils de l’Église, enfants de la lumière,
Sous l’Esprit du Très-Haut croîtront dans la prière.
Je marcherai pour eux, les guidant au combat,
Jusqu’à leur pleine force et l’éclat de l’âge.
La nature frémit, avide de vengeance,
Et tremble en attendant l’orage et la souffrance.
Ô terre ! Frémissez, et vous, prêtres du Christ,
Qui dans l’ombre adorez vos désirs inouïs.
Les temples sont souillés, l’asile du démon,
Les cloîtres sont devenus des pâturages vils.
Alors naîtra l’enfant, fruit d’un horrible sein :
Faux lys d’une vierge au serpent accouplée.
Son père sera prêtre, et dès qu’il verra jour,
Il vomira blasphème en un terrible cri.
Nourri d’abominations, il grandira puissant,
Ses frères, fils du mal, suivront ses noirs desseins.
Chaque saison se perd, les fruits seront amers,
Les astres fuiront loin de leurs antiques sphères.
La lune ensanglantée répandra peu de clarté,
L’eau, le feu, la montagne engloutiront cités.
Rome perdra la foi, deviendra le repaire
Du fils de l’Ennemi, du tyran sanguinaire.
Les démons du ciel sombre opéreront des feux,
Et l’homme, en ses péchés, s’avilira toujours.
Mais Dieu gardera ceux qui lui sont demeurés,
Les cœurs de bonne foi, les serviteurs sacrés.
L’Évangile éclatera comme au dernier matin,
Et tous peuples sauront la vérité sans fin.
J’élève un cri pressant, appel à l’univers :
Aux vrais disciples saints du Dieu qui vit aux cieux,
Aux imitateurs purs du Christ, l’Homme-Dieu,
Seul Sauveur des humains, vainqueur de nos revers.
J’appelle mes enfants, fidèles à ma voie,
Ceux qui m’ont consacré leur âme et leur ferveur,
Ceux que je porte au sein, guidant vers mon Seigneur,
Ceux que nourrit mon souffle et que l’amour reçoit.
J’appelle enfin, ô vous, apôtres des temps sombres,
Disciples de Jésus, fidèles et cachés,
Méprisant le néant des fastes et des ombres,
Pauvres, humbles, en prière, en silence attachés.
Vous vivez dans l’ardeur, la pureté, la peine,
En union avec Dieu, dans l’ombre, en vérité.
Le temps est arrivé : sortez, aimez sans chaîne,
Que l’univers s’embrase à votre charité.
Marchez ! Montrez-vous forts, enfants que j’ai chéris.
Je suis en vous, avec vous, flambeau de vos combats.
Que votre foi rayonne au jour des grands fracas,
Votre zèle a soif du seul honneur du Christ.
Combattez, fils de lumière, élus en petit nombre,
Car l’heure des heures vient : la fin est à nos pieds.
L’Église s’obscurcit, la terre entre en ses ombres,
Mais Hénoc et Élie, de l’Esprit pénétrés,
Prêcheront avec force et briseront l’erreur.
Les âmes de bonne foi croiront au Dieu vivant,
Elles trouveront la paix, la flamme et le bonheur,
Et l’Esprit Saint fera jaillir un fruit puissant.
Hélas pour les mortels ! S’en viendront les famines,
Les pestes, les fléaux, les guerres et la mort.
Le ciel tonnera fort, des villes s’abolissent,
Des séismes engloutiront les royaumes du nord.
Les voix empliront l’air, les hommes en détresse
Frapperont de leur front les murs ensanglantés,
Ils appelleront mort, mais la mort sans tendresse
Ne fera qu’ajouter d’éternelles cruautés.
Le sang coulera partout, et nul ne saurait vivre,
Si Dieu ne limitait la nuit de l’épreuve.
Mais par le sang des saints, par leur prière vive,
Sa main touchera terre et les ténèbres s’ouvrent.
Hénoc et Élie enfin tomberont au glaive,
Rome païenne tombera sous le feu,
Trois cités périront, la foudre les enlève,
La terre entière en tremble et se couvre de pleurs.
Alors l’abîme s’ouvre, et le roi des ténèbres,
L’animal orgueilleux qui se nomme sauveur,
S’élève jusqu’aux cieux pour défier la lumière.
Mais l’Archange en son souffle étouffe sa fureur.
Il tombe, et la terre en trois jours de tempête
S’ouvre, embrasée au fond de ses déserts,
L’engloutit pour toujours aux enfers qu’il souhaite,
Et l’eau, le feu purifieront l’univers.
Alors tout sera neuf, l’orgueil sera détruit,
Et Dieu seul régnera, servi dans l’infini.